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CollectifHamlet: Journal Fragment XXI

Symbolique et pistes à suivre pour comprendre la scène XXI

J’attends l’autobus. Je pense au cours d’Hamlet et au stress répété de la page blanche, d’avoir à dévoiler une part de mon intériorité, du monde qui m’habite. J’attends, il fait froid. Puis je me dis, «Y’en a donc ben des pigeons au métro Papineau ». Puis j’ai un flash : Hamlet et des pigeons. Je monte dans l’autobus, puis je me questionne sur le lien à faire avec ce petit volatile. Hamlet est parti en Angleterre, peut-être faut-il imbriquer une histoire de pigeon voyageur? Un peu compliqué. Le pigeon, ce n’est pas un animal qui vit aux dépens des autres? Nuisible, il parasite, se nourrit de déchets et est souvent mal toléré par les gens. Un peu comme Hamlet à qui le trône n’a pas été légué, que Claudius tente d’éloigner et qui revient toujours à la charge. Mais non, ce n’est pas la bonne avenue. Enrichissante, mais pas la bonne. Hamlet est dupe, celui qu’on a trompé, à qui on cache la vérité. Pas encore la bonne réponse. Il est celui dont la plainte est plus éblouissante que les exploits. La symbolique de la plainte éternelle. Peut-être un peu trop pathétique, lyrique. On le pigeonne, il est trop gentil…

Et puis, le déclic. Hamlet tire des pigeons d’argile. Et il n’y arrive pas! C’est ça. Premièrement, son arrogance frappe. Ou sa folie grandissante ou son côté maladroit, selon les sensibilités. Envoyé à la potence en Angleterre, il se remet au tir pour souligner sa présence, sa victoire. Il a survécu au stratagème de Claudius. L’adrénaline fait son effet. Deuxièmement, le tir au pigeon d’argile est un sport de simulation qui vise à pratiquer son tir. Hamlet s’exerce donc à tuer son beau-père et tous ceux qui se mettront au travers de son chemin. Il tente de faire monter en lui cette violence nécessaire à chasser Claudius de son existence.

La colère monte de plus en plus. Mais, il n’y arrive pas. Incapable de pleurer comme le comédien ou de porter atteinte à Claudius dans un moment de repentir, Hamlet ne vise pas juste. Les pigeons lui volent sous le nez sans qu’il puisse les faire éclater. Son incapacité à agir est ici soulignée à gros traits, mais elle est aussi ironisée.

Dans ce rituel de chasse, acte de simulation et de défoulement, Hamlet donne la preuve de sa détermination. En réponse à son manque de précision, il s’adresse violemment aux plaquettes d’argile comme si ces oiseaux représentaient réellement Claudius, le poulet à plumer. Franchement très symbolique tout ça.

Il y a quelque chose à faire aussi avec Gertrude. Cette reine est une femme dominante. Dominante, sensible et charnelle. Et je me dis que c’est bien quand il y a de la nourriture en scène. Ça rassasie mon envie de voir des effets performatifs. Alors oui, Gertrude mange des huîtres. Cliché oui. Mais parfois à petites doses, c’est rigolo. Symboliquement ça parle aussi. Aphrodisiaque, on aspire pour la manger, c’est très buccal, c’est un produit de luxe et aussi très français. Gertrude est épicurienne et dévore ce qui lui tombe sous la main. Ce qui lui plait bien entendu. L’huître symbolise également un objet qui est refermé sur lui-même, qui cache une beauté intérieure ou un secret. Dans cette optique, suite aux discussions que nous avions eues en classe à savoir si Gertrude était coupable ou non du meurtre d’Hamlet, je trouvais cette suggestion intéressante.

Pour Claudius, j’avais pensé à la pieuvre. J’aurais pensé que ç’aurait pu être également intéressant qu’il se gave d’un produit de la mer, des profondeurs. La symbolique de la pieuvre lui collait aussi bien à la peau. Claudius joue un jeu, joue sur plusieurs tableaux : la peau de la pieuvre peut changer de couleur et de texture. Claudius use de manigances et dispose des gens lorsqu’il en sent le besoin : la pieuvre, puisqu’elle double son poids presque tous les trois mois, est dotée d’un féroce appétit. De plus, lorsqu’elle est prise au piège, elle siphonne l’eau et se propulse en laissant s’échapper un nuage d’encre qui peut être toxique si on pense à la pieuvre aux anneaux bleus. Malgré son allure, disons-le monstrueuse, cet invertébré est l’un des plus intelligents. Enfin, selon les sources wikis, «Le concept de pieuvre est employé dans les théories du complot pour parler d’une organisation nébuleuse qui tente secrètement d’accaparer de l’influence». N’est-ce pas la situation de même de Claudius, qui cache le meurtre de son frère. Tout ça était bien beau, mais j’avais peur de suggérer une atmosphère réellement renfermée sur elle-même. Mais je lègue quand même ces pistes, peut-être y aura-t-il des intéressés.

C’est pourquoi j’ai ensuite décidé de jouer un peu avec la forme. En imbriquant le passage avec Laërte et le Roi à celui d’Horatio et la Reine, j’ai tenté de jouer avec le rythme et tenté également d’y faufiler des échos entre les répliques elles-mêmes. Ainsi, lorsque la voix off encourage Hamlet en disant «Close, my Lord», Claudius enchaîne avec «Si près Laërtes, si près nous étions».

C’est pourquoi à mon avis, il est important que les paroles se chevauchent à la limite. Du tac-o-tac comme on dit. Simplement, l’esprit dans lequel a été construite cette petite scène comporte une bonne dose d’humour, d’ironie et de symbolisme. J’imaginais des personnages plus grands que nature dans la façon dont ils s’expriment, mais qui dévoilent tout de même une part de leur intériorité. Un peu selon l’idée qu’on imagine les personnages de Shakespeare surhumains, mais qu’au fond, ils vivent des drames humains selon leurs propres forces et faiblesses. Qui d’ailleurs ne sont pas si éloignées des nôtres au XXIe siècle.

Pour la scène XVII et XVIII, je me permettrai également un petit commentaire. Lorsque j’ai abordé le texte de Catherine, j’ai tout de suite senti quelque chose de plus animal. Peut-être est le fait que Claudius soit nu dans la salle de bain, suffoquant dans sa vomissure et tout suintant. J’avais le goût d’ironiser cet extrait. Puisque parfois dans l’ironie on atteint un fond vraiment humain, touchant. Ainsi, j’ai pensé au petit Claudius, assez chétif, d’Hamlet X, celui qui essaie de trouver le chapeau qui lui donnera bonne allure. Et mon choix s’est arrêté sur le petit chapeau de fête. Pour moi, cet objet rappelle les reproches qu’Hamlet adresse à son oncle et sa mère du fait qu’ils se gavent et festoient sans répit. L’instant d’une scène on le voit avec ce qu’il devrait réellement porter sur la tête. Ainsi, est-ce vraiment lui qui détient le pouvoir? En fait, les cartes de la compréhension doivent peut-être être brouillées dans cet extrait. Il tient un peu d’un univers onirique où Gertrude chante, et lui vomit. Je crois qu’il faudrait laisser cette scène ouverte permettant de nombreuses interprétations. C’est pourquoi je crois qu’instinctivement, lors de l’écriture à quatre nous avons coupé dans le texte. Les quelques indices peuvent donc être suggérés par les gestes que Claudius opère avec le chapeau.

En somme, rythme, grandiloquence, symbolisme, folie, humour et humanité seraient peut-être les clefs du premier extrait. Animalité, rêve, ironie, humanité et allure grotesque celle de la dix-septième.

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Page mise à jour le 08 janvier 2009 à 14h31