FragmentXX
!!!Côté jardin. Dans un appartement du palais, on retrouve Gertrude, dans ses plus beaux apparats, étendue sur un récamier à se gaver d’huîtres. Horatio dégoûté de cette gourmandise se tient à ses côtés. Dehors, Hamlet pratique le tir au pigeon d’argile. Comme indices de cette action, les cris «off» d’Hamlet, les commentaires «off» d’un servant et des pigeons d’argile passant devant une fenêtre au lointain.
!!!Côté cour. Dans une autre pièce du palais, Claudius et Laërte prennent un verre. Ayant eu vent du retour d’Hamlet, il leur est impossible pour le moment de constater sa présence.
HORATIO : À la fenêtre. Voyez Madame, votre fils est de retour au Danemark.
GERTRUDE : Absorbée dans son festin. Impossible, mon chou! Impossible!
CLAUDIUS : Non! Impossible! Hamlet serait de retour au Danemark! La poisse Leartes, je te le dis, la poisse nous colle aux basquettes. Voilà ce que ça vaut de se fendre le caillou en quatre, de préparer une expédition, de fomenter une exécution. Dire que j’avais mis le roi d’Angleterre dans le coup. Mais Merde! Il nous revient toujours le petit toqué!
HAMLET OFF: Shoot the pigeon, please!
Un pigeon virevolte devant la fenêtre. Détonation.
VOIX OFF: Missed my Lord.
GERTRUDE : S’étouffant. C’est bien la voix de mon fils. Hamlet! Mais, il s’est remis au tir, ma parole. Qu’est-ce que tout cela veut dire?
HORATIO : Écoutez Gertrude, ma présence ici doit importuner votre petit gueuleton, j’en conviens. Veillez m’en excusez. Mais, je me dois de vous faire part d’une nouvelle qui, sans doute, calmera votre appétit. À part. Du moins, j’ose l’espérer.
GERTRUDE : Des huîtres plein la bouche. Tout excusé.
HORATIO : Dans cette lettre que le prince me fit parvenir, il me dévoile l’infâme stratagème dont il su s’échapper. Par une conjonction d’hasards, il découvrit l’indice confirmant le souhait du roi de voir sa gorge tranchée. Heureusement, le ciel lui prêtant main forte, il pu regagner les terres si chères à son cœur. Ayant survécu à cette extradition et en rage devant cette traitrise, voici maintenant le prince empreint à une démence sans nom.
HAMLET OFF: Shoot the pigeon, please!
Un autre pigeon passe devant la fenêtre. Détonation.
VOIX OFF: Closed to it my Lord.
CLAUDIUS : Si près Leartes. Si près, nous étions.
LEARTES : Qu’il vienne à nous, mon bon Seigneur. Qu’il soit le bienvenu. Je ne souhaite que la réconciliation dans le sang. Ainsi, je pourrai prendre ma revanche et du bout de mon arme je lui dirai : « Ainsi, tes jours se terminent».
Un autre pigeon. Détonations en chaîne.
VOIX OFF: Don’t give up my Lord!
HAMLET OFF : Je t’aurai petit zoziau malheur. Petit et dodu, tu tomberas bientôt de ton nid haut perché. Tu verras bien qu’une fois éclaté, l’oiselle ne roucoulera plus à tes côtés. Zoziau, zoziau, un autre zoziau!
Et un autre pigeon. Détonation.
HORATIO : Voyez madame, il ne répond plus de lui-même.
GERTRUDE : Gloutonnant. Quel bourbier mon cher Horatio. Mais, dans quel bourbier sommes-nous tombés? Claudius, dis-tu, aurait envoyé Hamlet à la potence? Ah, impossible maintenant d’avaler une autre de ces petites bestioles. Vraiment. (Les offre à Horatio qui les refuse vivement) Bon écoute, il est vrai, je te l’avoue, depuis quelques temps Claudius a bien changé. Il a beau caché son jeu, mais, faute d’en douter, la trahison est toujours tôt ou tard révélée. On n’y peut rien, tu vois. Je savais bien que quelque chose se tramait. Mais, tu sais, il est parfois plus simple de fermer les yeux. Réflexions et confessions faites, je me chargerai du roi, car comme dit le dicton : «Les meurtrières mindes sont alwayes jaloux».
HAMLET OFF : Birdy, birdy, birdy.
Quelques pigeons passent devant la fenêtre. Plusieurs détonations.
VOIX OFF: Getting better my Lord.
GERTRUDE : Mais Horatio, pour l’amour, tu dois le faire taire. Vas à sa rencontre et fais lui part de notre entretien. Dis-lui de se méfier et surtout de se faire plus discret.
HORATIO : De ce pas madame. De votre côté, look on him, Madame, look on him. La nouvelle ne tardera pas à s’ébruiter. Vous pourrez par vous-même confirmer les dires de votre fils.
GERTRUDE : Une dernière chose Horatio. Guilderstone et Rossencraft?
HORATIO : Zigouillés Madame. Hamlet, avant de mettre pied à terre, avait substitué les noms dans la lettre adressée au roi d’Angleterre. Ainsi, à leur arrivée, à leur plus grand malheur, la demande de votre mari fut exécutée tel que demandée.
GERTRUDE : Bien, très bien. Vas rejoindre mon fils maintenant. Porte-lui mes bénédictions de mère affligée. Adue Horatio.
HORATIO : Madame adue.
Les deux sortent.
HAMLET : One little bird for me please!
Encore un autre pigeon. Détonation.
VOIX OFF : Try again my Lord.
CLAUDIUS: Nous tenterons une fois de plus Leartes d’écourter les jours de ce petit emmerdeur. Voilà ce que je propose. Souvent, j’ai vu Hamlet s’envenimer lorsqu’il était question de ton coup d’épée. Comme d’un souhait gourmand, je l’ai fréquemment surpris espérant défier ta main. Ta curiosité a-t-elle été piquée?
LEARTES : Je vous écoute mon Seigneur.
CLAUDIUS : Je pense à un pari mon cher ami.
HAMLET : I dare you my little bird. Come on, shoot!
Un pigeon encore. Détonation.
VOIX OFF: Better and better my Lord.
CLAUDIUS: Tu provoqueras Hamlet dans un duel où tu lui donneras l’avantage. L’orgueilleux ne saura refuser. Cette fois sera la bonne, puisqu’aucune issue ne sera possible. L’épée que tu tiendras sera démouchetée et la pointe trempée dans un poison mortel. Tu n’auras qu’à l’effleurer afin à lui faire cailler le sang.
HAMLET OFF: Tu ne paies rien pour attendre! Tu verras comme le sang te figera dans les veines une fois que mes balles t’auront traversé. Ta plainte sera éternelle, crois-moi!
Plusieurs détonations.
LEARTES : Et puisque je suis son bon ami, personne ne saura me suspecter. Voilà, je comprends bien votre manège. Parfait pour moi!
CLAUDIUS : Et puisque tu le malmèneras avec force, j’aurai préparé une coupe empoisonnée qui lui sera toute désignée. Ainsi, lorsqu’il sera exténué, je lui tendrai cette boisson qui ne fera que garantir notre bonheur.
Gertrude entre une guirlande de fleurs au cou. Dans ses bras, elle porte, comme on porterait un mort, une robe toute trempée d’eau.
CLAUDIUS : Ma reine, quelle affreuse nouvelle peut bien ternir à ce point votre doux visage?
GERTRUDE : Mon seigneur, la jeune Ofélia. En faisait une guirlande de fleurs… Aux bords de la rivière… branche cassée… Dans l’eau… Comme une sirène…sa robe trop lourde…
LEARTES : Prenant la robe contre lui. Trop d’eau ma belle Ofélia, trop d’eau. Le malheur jamais seul ne vient accompagné. Sans larme Ofélia, la réconciliation se fera par le sang.
HAMLET : Shoot!
Un pigeon fracasse la vitre.
VOIX OFF : Soon my Lord, soon.
!!!Roxanne Robillard
FragmentXXII