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11 septembre 2011 à 06h00 par SZ -
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Cet obscur objet du désir

Notre choix: BB est une femme, AA et CC sont des hommes… mais dans les faits, peu importe.

AA : Tu te souviens-tu quand qu’on…

BB : Non. Non. Écoute :

AA : Quoi?

BB : Pas de «tu te souviens».

AA : Mais…

BB : Ah ah. Pas de «mais» non plus. Dis rien. Merci. Je suis ici pour une seule raison.

AA : Ouais, mais on peut même plus se dire bonjour? Comment tu vas? T’es rendu ou, là, maintenant?

BB : Le temps c’est de l’argent.

AA : Si tu le dis. Heille, y’a un pool dans le quartier pour savoir qui c’est qui va mourir en premier : le pape ou la Schiavo? T’embarques-tu?

BB : …Écoute : est-ce que tu l’as ou pas?

AA : Ouais, comme que je t’ai dit…

BB : Et t’es prêt à vendre?

AA : Ça fait ben des années que j’essaye.

BB : Quand l’as-tu acquis? Parce que je l’ai jamais vu…

AA : Ben oui, tu l’as déjà vu. Coudonc, tu fais-tu de l’Alzheimer?

BB : Va chier.

AA : Bon, là je te reconnais. [Sandy’s back. Pis tu viens-tu vraiment de dire «acquis»?]

BB : C’est en bon état?

[AA : «Quand l’as-tu acquis»?]

BB : Tu demandes combien pour? [Environ?]

AA : T’es prêt à payer combien?

BB : Ben, ça dépend, non? Ça dépend de son état…

AA : Comme neuf. Pis je pourrais te faire un prix spécial pour toi… vu que… t’sais.

BB : Parce que c’est pas pour moi, je fais ça pour un ami.

AA : Ah.

BB : Je négocie.

AA : Pour un ami.

BB : Oui. Un ami très spécial.

AA : OK.

BB : C’est ça que je fais maintenant. Je négocie. Alors j’espère que c’est vraiment comme neuf…

AA : Hey, hey.

BB : Parce que je ne veux pas faire perdre de temps à personne.

[AA : Tu parles à qui, là?]

BB : Ni le tien, ni le sien…

AA : L’affaire, c’est que j’comprends pas ton attitude. Me semble qu’y’a jamais eu de gros fuck entre nous deux. Je me suis dis, t’sais, ça arrive, les gens s’éloignent, «les circonstances de la vie», en tout cas, mais là je te vois, pis… c’est quoi, là? T’es fâché après moi? C’est quoi j’ai fait?

[BB : C’est correct.]

AA : On a pris deux chemins différents, on a perdu contact, ok, mais au moins, câlisse, Sandy, admets donc qu’on a déjà été vraiment proches.

BB : Correct, correct.

AA : Tu veux-tu rentrer, maintenant? Venir le voir?

BB : Non. Oh non. Je vais être en retard. Je te rappelle.

AA : Tu te souviens-tu de mon numéro? Parce que moi, je me souviens encore de ton ancien par cœur. Gigi m’a donné celui de ton cell. C’est Gigi qui m’a dit que t’étais dans le coin à chercher pour…

De la musique part.

BB : Juste pour mettre ça au clair, ce qui est arrivé, c’est que je suis passée à autre chose. J’ai évolué. J’ai jamais été heureuse ici, j’ai toujours voulu, tu le sais, ça, j’ai toujours voulu partir du quartier. Ça prouve juste que tu m’as jamais prise au sérieux.

AA : Comment tu peux dire ça?

BB : Pis, crisse, c’est quoi, ça?

AA : Ouais, c’est fort, hein? C’est le Mojo’s. Ils ont une terrasse, astheure. Tous les vendredis et samedis soir, ils mettent le paquet. Je trouve ça vraiment nice, en fait, ça met de la vie ici-dedans. Tu te souviens de c’te toune-là? C’est sorti à la fin de notre secondaire. Tu te souviens-tu?

***

BB : C’est ta maison?

CC : Quoi? Oui. Tu pensais quoi?

BB : C’est beau.

CC : Tu penses que je t’aurais donné rendez-vous dans la maison d’un étranger?

BB : T’as raison, je suis désolé. C’est juste que j’aurais jamais pensé me retrouver dans une maison comme ça. [Dans ce quartier.] Sauf si je commençais à travailler comme nettoyeuse de piscine.

CC : Ah. Ha ha.

BB : C’est tellement… spacieux.

CC : Trop. Pour être franc(he), je l’ai achetée dans un élan d’optimisme. [Avec le rêve qu’on ait plein d’enfants pour la remplir. Eh bien. La vie…] Mais c’est trop grand pour moi seul(e). Non, je crois qu’il est temps de vendre et de trouver un quartier plus flyé.

BB : Flyé.

CC : Flyé. C’est ce qui manque dans ma vie. Du flyé.

BB : En tout cas. Je suis contente d’être invitée dans ta maison.

CC : [C’est un plaisir. Il faut dire que je suis déjà allé chez toi, haha…] Détends-toi, enlève ton manteau. Je t’offre un verre?

BB : Certainement.

CC : J’ai un fabuleux Chablis dans le frigo.

[BB : Ah ouais.

CC : Ça te dit?

BB : Oui.

CC : Tu veux autre chose ou…] Qu’est-ce qui te fait rire?

BB : Te rencontrer, ça a été… ce fut… J’ai l’impression que ma vie… que les choses vont finalement changer.

CC : Vraiment.

BB : Pour le mieux.

CC : Parce que tu m’as rencontré.

BB : Je veux pas dire que… j’espère que ce n’est pas trop…

CC : Non. Non.

BB : Trop direct, ou…

CC : Pas du tout.

BB : Prétentieux.

CC : C’est bien.

BB : Bien.

CC : Mon dieu, je suis épouvantable…

BB : Non, non.

CC : Condescendant. Je suis désolé. Je suis flatté. Et franchement, je suis surpris de voir à quel point nous sommes devenus si rapidement… amis. Habituellement, j’ai besoin de plus de temps pour «connecter». Je crois que c’est une période de changement pour nous deux.

BB : En tout cas. Alors. Oui. Le temps c’est de l’argent. Maintenant : je l’ai pas vu, mais apparemment c’est en bon état.

CC : Hey, hey, Alex, regarde-moi… Calme-toi. Ce n’est rien. [C’est une maison. C’est juste… de l’argent.]

BB : Ok. Oui. Excuse-moi. Alors si tu me dis combien t’es prêt à payer, c’est quoi ton plafond, je peux négocier…

CC : Oh, tu n’as pas à faire ça.

BB : Ça me dérange pas.

CC : Il faudrait que je le voie [avant].

BB : Je peux voir pour toi. Ou… Ok, je peux arranger ça.

CC : J’aimerais rencontrer le/la vendeur/vendeuse. Voir de quoi il/elle a l’air.

BB. Hum. Ok.

CC : Parce ce que ça fait vraiment longtemps que j’en cherche un [comme ça].

BB : Je comprends.

CC : Vraiment longtemps. Et je veux être dans la meilleure position possible pour négocier.

BB : Bien sûr. [On peut faire ça comme ça aussi.] C’est juste que, je les connais ces gens-là.

CC : «Ces gens-là»? Mon dieu, à qui a-t-on affaire?

BB : Le vieux quartier. C’est une vraie mine d’or, ils sont même pas conscients de ce qu’ils ont, les antiquités, les… Mais s’ils te voient toi, ils vont demander un prix différent que si c’est moi.

CC : Je suis vraiment impatient de rencontrer ces gens-là.

BB : Ok, je vais te donner le numéro.

CC : Bon, alors, on le prend, ce Chablis? Qu’est-ce qu’il y a de si drôle.

BB : Je ne sais pas c’est quoi, un Chablis.

***

[ AA : C’t’une maison, ça?

CC : J’ai déjà entendu ça.

AA : Y’a genre combien de personnes qui vivent ici?

CC : Juste moi.

AA : J’ai déjà vu des hôtels ben plus petits que ça.

CC : Ha ha…

AA : Pis s’cuse-moi, j’suis en retard. J’connais pas le quartier pantoute. Puis l’arrêt de bus, il est fucking loin, hein? C’est à un bon bout en haut de la côte.

CC : Oui. Maintenant :

AA : Fait que, comment tu connais Sandy?

CC : Sandy? Ah, «Sandy».

AA : Ouais.

CC: On s’est rencontrés dans un «party». Des amis communs.

AA : Han han.

CC : J’ai enfin recommencé à sortir. Je cherche à me refaire un cercle d’amis.

AA : Ça fait longtemps?

CC : Longtemps?

AA : Que vous vous connaissez.

CC : Non. Pas du tout. C’est une personne incroyable, quand même, «Sandy».

AA : Ouais, parle-moi z’en pas.

CC : Et toi et «Sandy», ça remonte à loin?

AA : Ouais… Puis si y’a une chose que j’ai appris dans la vie, c’est que tu rencontres pas du monde comme Sandy souvent.

CC : Hmm. Alors. C’est où?

AA : C’est où quoi? Oh. C’est à la maison.

CC : Pourquoi?

AA : …Parce que c’est là que je le garde.

CC : Pourquoi tu ne l’as pas apporté ici? Pour me montrer.

AA : J’voulais pas l’amener dans le bus. J’ai amené une photo, par exemple. Je… shit. Oh non. Oh fuck. Fuck. T’sais quoi? C’est dans mon autre manteau.

CC : Ah.

AA : J’sais pas ce qui se passe avec moi. J’ai pas mis le bon manteau. Je me souviens de l’avoir mis dans ma poche, la photo, un Polaroid, mais là le téléphone a sonné, bla bla bla, j’étais en retard pour venir ici, j’ai pris le mauvais manteau. (réplique gardée pour être dite plus loin) L’autre manteau, il est, je peux le voir, là, il est sur ma chaise de cuisine. CC : Bon.

AA : Tu veux-tu venir chez nous? Pour le voir?

CC : C’est ce que j’avais suggéré au téléphone.

AA : Ouais, je sais, j’ai juste pensé, je voulais te rendre service, faire ça simple.

CC : Hmm.

AA : «Le client a toujours raison». Sauf que là c’est vraiment pas très simple, hein?

CC : Allons-y?

AA : Ouais. Qui c’est que t’appelles?

CC : «Sandy».

AA : Ah. On… on va prendre ton char, hein? ]

***

BB : Qu’est-ce que t’essaie de faire, là? M’humilier?

AA : Hein?

BB : Me semble que je te l’ai demandé gentiment: je veux pas faire perdre de temps à personne.

AA : C’était une erreur, j’ai fait une erreur. J’sais pas ce qui se passe avec moi. J’ai pas mis le bon manteau. Je me souviens de l’avoir mis dans ma poche, la photo, un Polaroid, mais là le téléphone a sonné, bla bla bla, j’étais en retard pour aller là-bas, j’ai pris le mauvais manteau. (réplique tirée de la scène 3)

BB : Une erreur.

AA : J’ai pas fait exprès.

BB : Pas consciemment, vraisemblablement.

AA : Ça veut dire quoi, ça?

BB : Freud dirait que c’est passif-agressif.

AA : Freud, hein. Freud dirait ça? Ben, ça existe, des erreurs, des erreurs pures et simples. Tu diras ça à ton Freud la prochaine fois que tu le verras.

BB : Freud est mort depuis des années.

AA : Je le sais, ça, Sandy. C’était une joke. Je sais c’est qui, Freud. Fais pas chier, toi pis moi on vient de la même place. Puis «vraisemblablement», what the fuck, «vraisemblablement», depuis quand tu dis «vraisemblablement»?

CC : La toilette coule. Le réservoir. Je n’ai pas réussi à… J’ai agité la…

AA : Ah ouais, a fait ça, j’vais…

BB : Est-ce qu’on peut… s’il te plaît… peux-tu réparer la toilette après qu’on soit partis?

CC : Alors. C’est où?

AA : Quoi.

BB : Oh, pour l’amour du ciel.

AA : Quoi? Tu me niaises-tu? Vous êtes drette devant.

CC : Devant quoi?

AA : Ben là. Tu me niaises vraiment. C’est…

BB : Ça? Ça?

CC : Cela?

BB : Non, c’est… quoi?

AA : Ben quoi?

CC : Attendez, attendez. Oh. Je vois. C’est ton interprétation de… haha… tu croyais que je voulais… haha.

BB : Fuck.

CC : Qu’est-ce qui t’as fait croire que ha.

BB : Fuck.

CC : Pourquoi voudrais-je acheter ha ha ha.

BB : C’est quoi, ça, fuck.

AA : C’est…

BB : Oui je sais ce que c’est. Ce que je veux dire c’est : quessé ça?

AA : T’as dit…

BB : Non. Non. Tu n’es pas qualifié pour dire ce que j’ai dit. Parce que peu importe ce que t’as compris de ce que j’ai dit, t’as rien compris. Complètement dans le champ. Parce que c’est pas ce que j’ai négocié.

AA : Ben d’abord t’étais pas claire pantoute.

BB : Et moi qui me demandais pourquoi t’arrivais pas à le vendre.

AA : Gigi aussi a compris que ce que tu demandais, c’était…

BB : Jo. Jo. Réfléchis. Pourquoi? Pourquoi est-ce que quelqu’un voudrait acheter ça.

AA : …Y’a sûrement quelqu’un qui en veut…

CC : L’enfer est pavé de bonnes intentions.

La musique part.

BB : Je suis vraiment désolé.

CC : Non, vraiment c’est… c’est correct. Je n’avais jamais visité cette partie de la ville. Je veux dire… il y a les cercles et… Ici, ce serait clairement le neuvième cercle… Dante… Non?… Ça m’apprendra. J’espère que ma voiture est toujours stationnée devant. Et c’est quoi, cette musique?

AA : C’est un bar de l’autre bord de…

CC : Non, oubliez ça. Ce n’est pas grave. C’est votre quartier. De toute façon, vous savez ce que Shaw a dit, non, bien sûr que non. Georges Bernard Shaw a dit, et je paraphrase : l’enfer est rempli de musiciens amateurs. Au revoir Alex. Non, je veux dire : «Sandy».

CC sort.

BB : Je t’appelle, là, je vais t’appeler…

AA : Je l’aime, cette toune-là… «Alex».

[BB : Tu l’aimes, cette toune-là.

AA : Tu l’aimais, avant, toi aussi. «Alex». Tu veux qu’on aille en bas, voir c’est qui qui est au bar? Danser, peut-être? Come on, le pape vient de mourir. À la mémoire du pape.]

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