From GraphingShakespeare

NeufPieces: Trad M4M

M4M

AA: D’vant l’univers, on s’sent p’tit pis insignifiant. On s’dit : «J’ai pas été mis sur terre juste pour faire partie de la chaîne alimentaire. Pourquoi vous m’avez pas faite insouciante?» On demande tout haut au ciel : «Pourquoi vous m’avez doté de conscience?» À travers les générations, les plus éclairé(e)s ont tentés de l’expliquer. Ok. Ces livres-là peuvent être utiles quand on a besoin de réconfort le soir. Mais y sont écris par des hommes, des hommes qui disent que Dieu leur parlent, à eux, mais c’est drôle que Dieu parle seulement aux gens qui sont seuls; Et c’est encore plus drôle de voir que nos règles de conduite découlent de ce qu’on pense être les paroles de Dieu. Soit ces règles sont écrites par nous pour qu’on résiste à l’oppression, soit è’sont écrites par nos oppresseurs pour mieux nous opprimer. Ces règles existent seulement pour nous inculquer la peur de Dieu, pour nous empêcher d’avancer. Mais on est pas libres pis on pourra jamais se libérer de cette oppression gouvernementale là tant qu’on se libèrera pas de notre propre prison.

BB: Nous avons les lois et la religion. La moralité…

CC: J’préfère l’éthique.

BB: L’éthique.

CC: À la moralité. C’est plus personnel qu’un jugement qu’on nous impose.

BB: Je vois. «Fais-le pour le bien commun» plutôt que «fais-le parce que sinon le Père va te punir».

CC: C’est ça.

BB: L’éthique alors. L’éthique est personnelle. Que vous aimiez ça ou non, il y a des lois dans le pays qui nous séparent, votre peuple et le mien. Qu’est-ce qui nous différencie? Enlevez une couche de peau et nous sommes tous pareils … roses et bien saignant.

CC: C’t’une image, un peu crue… mais ça va.

BB: Nous nous ressemblons tous, mais avec cette couche de peau, il y en a qui paraissent mieux que d’autres… nous sommes tous pareils, ça je le sais.

CC: ‘Scusez, j’veux pas vous interrompre, mais on a pas le temps d’avoir une discussion philosophique, là. Est-ce que je peux dire les fais? Ma sœur est en prison. Ils l’ont sorti de son lit en plein milieu d’la nuit pour avoir exprimer ses opinions.

BB: Qu’elle aurait dû garder pour elle. Je ne dis pas de «ne pas avoir d’opinions.» Seulement de les garder pour elle. Ou de les partager avec quelqu’un qui est mieux placé pour les faire valoir.

CC: Avec tout le respect que je vous dois…

[BB: Non, non : Nous ne pouvons pas perdre espoir, nous ne pouvons pas nous laisser abattre. Vous êtes ici, dans mon bureau. C’est un signe que les choses peuvent changer.

CC: Un p’tit signe.

BB: Peut-être bien, mais néanmoins, c’est un signe.]

CC: J’sais que c’qu’à dit, ça pourrait paraître choquant. Contre le gouvernement. Mais elle critique autant notre peuple, notre religion. Vous l’avez entendue parler, elle pis d’autres membres de leur organisation. C’est rien. Des mots. Elle parle pas de violence. Jamais. Tout c’que ma sœur pis son groupe veulent, c’est d’échanger librement des idées.

BB: Je sais.

CC: Y représentent pas la totalité d’mon peuple.

BB: Mais cela le stimule. Votre peuple.

CC: On est une minorité.

BB: C’est relatif.

CC: On est définitivement une minorité … en terme de pouvoir. S’il vous plaît. Vous êtes notre représentante. Vous êtes tout ce qu’on a.

BB: Je suis une représentante du peuple. Le vôtre. Peu importe votre race, la couleur de votre peau ou votre langue maternelle, c’est mon travail de vous écouter et de prendre ce que vous avez à dire, en autant que ce soit fait de manière civilisée, c’est mon boulot d’amener vos requêtes à mes supérieurs pour garder les pourparlers ouverts. Vous devez comprendre qu’il n’y a personne qui veut des bains de sang. La violence n’est utilisée qu’en de rares occasions. Autrement dit, jamais.

DD : Comment tu peux croire un mot de ce qu’elle te raconte?

CC: Elle semblait sincère.

DD: C’est sa job. Y sont la limite entre nous et pis les méchants. Leur beau sourire, leurs belles paroles. Y prennent position pis on en reçoit les balles!

CC: Pis nous? Ma sœur pense que l’gouvernement voudrait qu’on reste un peuple religieux, ça nous rend plus facile à contrôler. ‘Est enragée contre tout l’monde, le gouvernement pis son propre peuple.

DD: Ma famille est devenue folle. Personne croit en Dieu ast’heure?

CC: J’ai pas dit ça, je parlais à propos d’elle.

DD: Ta soeur pis son groupe d’intellectuels, qui intellectualisent Dieu, c’est n’importe quoi. Y’a une partie de moi qui dit qu’elle mérite la marde dans’quelle à s’est pognée.

CC: Tu penses pas c’que tu dis-

DD: Tu viens pus avec moi à’messe. T’as abandonné ta foi.

CC: J’ai pas-

DD: Tu l’as laissé derrière-

CC: Deviens pas mélodramatique-

DD: T’as laissé tomber ton peuple, ta vérité derrière toi-

CC: Y faut que t’admettes…

DD: Quoi? Qu’est-ce que j’ai à admettre?

CC: On est pas libre. Notre peuple est pas libre. Y’a des affaires qui faut qui changent.

[DD: La liberté est surestimée.

CC: Comment tu l’sais?]

DD: Si c’était vraiment ce que Dieu voulait, on s’raient ce que t’appelles libre.

CC: Comment tu l’sais? T’as jamais été libre.

[DD: J’parle pas d’ça].

CC: De génération en génération, on a été écrasés.

DD: C’est pas à toi de r’faire le monde!

[CC: C’est à qui d’le faire?]

DD: Et puis quoi après? Tu veux suivre ta soeur? Tu veux aller la rejoindre en prison.

CC: Tu sais que c’est pas ça que j’veux.

DD: Qu’est-ce que t’attends de plus d’la vie? Tu veux être comme les Américains? Tu veux manger du fast food pis tu veux écouter d’la musique niaiseuse? On va être libre quand Dieu va l’décider. En attendant, on s’lève le matin, on prie pis on vit du mieux qu’on peut nos vies en attendant notre délivrance. On r’mercie Dieu chaque jour pour la vie.

Le téléphone sonne

DD: Oh regarde ça! Ils ont laissé notre téléphone marcher aujourd’hui. C’est fin.

CC: Oui allô. Ah salut. -Qu’est-ce qu’il y a? T’as l’air -Quoi?… Non… C’est pas possible… Non. Non.

CC: La mort?

BB : On dirait…

CC: Comment ça peut être un péché mortel?

BB: Attendez…

CC: Elle a même pas été violente.

BB: J’ai pas encore parler avec…

CC: Pourquoi elle? C’est juste une grande gueule. Pourquoi vous courrez jamais après les gens comme Zondo. Y’est beaucoup plus [explicite,] violent, révoltant, pis [d’une façon ou d’une autre,] il réussit toujours miraculeusement à échapper aux arrestations.

BB: Je n’ai pas encore parler avec personne.

CC: Va chercher Zondo, si y’a une personne qui doit être arrêtée, c’est ben lui.

BB: Attendez…

CC: Si votre gouvernement tient à en faire un exemple…

BB: S’il vous plaît. Je comprends que vous soyez fâchée. [S’il vous plaît]. Écoutez-moi. J’ai entamé les procédures, mais les choses prennent du temps. Dans toute bureaucratie le plus gros problème c’est la communication: les départements n’ont aucune idée de ce que les autres font. Peu importe qui a décidé du sort de votre sœur, il ne savait pas que j’ai fait les démarches pour la libérer, ou du moins, prolonger les discussions sur son cas. OK? Une fois que le mot va arriver à terme, les choses vont être en suspend.

CC: En suspend? En suspend c’est pas assez. On veut pas que les choses soient en suspend, on veut qu’elle sorte de prison. Qu’elle sorte de prison, c’est absurde, pourquoi elle? Pourquoi faire un exemple de quelqu’un qui a même pas d’influence pis qui a jamais fait quelque chose de violent dans sa vie. C’est absurde.

BB: Je suis sûr que je peux leur faire comprendre ça. Je suis certain que je peux.

CC: Vous êtes sûre?

BB: Certaine.

CC: Je… Vous avez l’air…

BB: Non, je suis certaine.

CC: Y’a un mais. Il y a quelque chose que vous m’dite pas, là.

BB: C’est difficile.

CC: C’est quoi?

BB: Pourquoi est-ce que je ferais tout ça? Pourquoi je me mettrais dans le trouble pour aider une faiseuse de trouble?

CC: Vous pouvez pas être sérieuse.

BB: Oh oui je pourrais le faire. Je suis juste en train de me demander si ça vaut vraiment la peine.

CC: Mais vous avez dit… vous êtes à mon service.

BB: (Elle rit.) Vous n’en avez aucune idée.

CC: J’ai pas idée de quoi? Pourquoi vous riez?

BB: Je ne voudrais pas que vous vous inquiétiez. C’est très simple. Pourquoi m’investir autant, si longtemps?

CC: Parce que… parce que, vous l’savez, ‘est… pas innocente, mais à rien fait pour mériter l’exécution. Vous la connaissez la vérité.

BB: La vérité. C’est quoi la vérité?

CC: S’il vous plaît. C’est pas l’temps d’philosopher.

BB: Je ne suis pas philosophique. Au contraire. Est-ce que je possède la vérité? Est-ce que je peux m’en nourrir? Est-ce que ça me garde au chaud la nuit.

CC: J’vous suis pas.

BB: Vraiment? Vraiment, vous ne me suivez pas? T’es sûre?

DD: en priant T’as pris mon mari. J’ai travaillé fort pour éduquer nos enfants toute seule. Peut-être que j’ai pas été assez bien pis que tu me testes encore. Mais s’te plaît, si j’peux me permettre de t’le demander : me l’enlève pas. Elle va réaliser son erreur à sa façon, je suis sûre, si seulement tu pouvais la laisser libre. S’te plaît. S’te plaît.

CC: Il fait ben frette icitte; c’est humide.

[AA: Se s’rait gaspiller de la chaleur. Pourquoi m’garder au chaud si y veulent me tuer?

CC: Pour les gardes qui travaillent ici…

AA: C’est l’pire emploi du monde. Gardez-les froids pis fâchés. Ça les ménage dans la manière de nous traiter.]

CC: Pis la nourriture, ils t’en donnent tu au moins? t’as perdu du poids.

AA: Essaie d’manger quand y disent que tu vas mourir. Comment t’as pu entrer ici? Y m’ont laissé voir personne, pas même un avocat.

CC: J’ai l’impression que tout r’pose sur moi.

AA: De quoi tu parles?

CC: Es-tu contente de m’voir?

AA: Contente? J’suis hyper-contente. Juste de regarder ton visage m’fait oublier que j’suis une femme morte.

CC: Arrête-

AA: Regarde, c’est l’bordel. J’aimerais ça être contente de t’voir, mais ça veut dire quoi? Est-ce que c’est la dernière bonne chose qu’y vont faire pour moi avant de m’tuer? Tout l’reste d’la famille m’a tournée le dos. Parce qu’y sont tous des moutons. Parce qu’y sont sans pouvoir, ça prouve tout c’que je crois, tout c’que j’dis- On est sans pouvoir pis j’dois être sacrifiée.

CC: Y’a quelque chose que j’peux faire. Une sortie.

AA: …Tu vas m’laisser deviner?

CC: J’ai parlé à Botha. Notre représentante.

AA: Qui? C’te conne-là, oui?

CC: Pour te libérer… À m’veut. Tu comprends? À m’veut.

AA: …À veut t’baiser pis après à va m’libérer. T’es sérieuse? C’est dégueulasse.

CC: Je l’sais. [
AA: Pis tu l’as pas encore fourré?]

CC: en priant Quel genre d’épreuve tu m’envoies ? Comment peux-tu m’en demander autant? Est-ce que je peux croire que tu m’en demandes tant que ça? Qui est-ce qui demande ça? C’est toi? C’est toi? Réponds-moi s’il te plait!

DD: Mes amis, quelques mots s’il vous plaît. Je vous remercie d’être venus pour cette célébration. Je vous remercie d’ouvrir vos bras à ma fille, qui a certainement rendu les choses plus difficiles pour notre communauté. Par la grâce de Dieu, elle a été libérée de prison pis est de retour avec nous. Et par sa grâce, elle restera loin des ennuis.

AA: Est-ce que je peux dire quelque chose? Oui, je suis libre. Le régime a finalement reconnu ses erreurs. Et je suis heureuse de me tenir au côté de ma mère [pour qu’ils puissent m’entendre dire que je n’ai jamais douté que j’allais être libérée. Jamais.] Mais certainement pas à cause de la grâce de Dieu. Dieu a rien à voir avec ma libération. La vérité m’a libérée.

BB: Tu es distante.

CC: Vraiment?

BB: Plus que d’habitude.

CC: La musique. Est-ce qu’y doivent vraiment jouer cette musique-là?

BB: Ça rajoute de l’ambiance.

CC: J’ai pas besoin d’ambiance quand j’fais l’épicerie.

BB: C’est plaisant. C’est jeune.

CC: J’ai reçu une lettre d’la maison.

BB: J’ai remarqué.

CC: Ma mère est morte.

BB: Je suis désolé. On ne peut pas y retourner.

CC: Je sais.

BB: Tu voudrais y retourner?

CC: [Je sais pas.] J’aimerais savoir comment j’me sens par rapport à tout ça.

[BB: Toi et ta mère étiez ce qu’on pourrait appeler très proche.

CC: Je sais.

BB: Alors…]

CC: Comment tu choisis c’que tu manges ici? J’veux des céréales. Pourquoi est-ce que quelque chose d’aussi simple que des céréales est dans une boîte aussi brillante. Avec des dessins pour enfants, des dessins pour enfants partout. Même sur les choses pour adultes.

[BB: Regarde ça. Des rangées et des rangées de nourriture. Que veux-tu de plus?] Je t’ai marié. J’ai rendu notre relation respectable. Je nous ai sorti de ce trou [qu’on appelle pays.] Pourquoi est-ce que tu m’aimes pas? Tu n’es pas heureuse ici? Je-

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BB: [Je t’ai marié.] On dort ensemble [dans le même lit] à toutes les nuits. Je t’ai prouvé que c’était pas juste un désir sexuel. Je t’aime. Je l’ai toujours su… Pourquoi m’as-tu marié si tu ne peux pas m’aimer en retour?

CC: Baisse le ton, on est en public.

BB: [Ils ne comprennent pas ce qu’on dit. Dans une autre langue, avec un accent, à quelqu’un Yes? Can I help you? My wife and I are discussing. Please. En français Pourquoi? Pourquoi m’as-tu marié? Seulement pour partir? Est-ce que je t’ai déjà maltraitée?] Est-ce que j’ai déjà frappée?

CC: Non.

BB: Pourquoi est-ce que tu ne me crois pas quand je te dis que je t’aime?

CC: [T’as mon corps;] qu’est-ce que tu veux d’plus?

BB: [Alors maintenant] dit-moi la vérité. Est-ce qu’il y a seulement [un seul] espoir qu’un jour tu puisses m’aimer [toi aussi]? Réponds-moi. S’il te plaît. Dit quelque chose!

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Page mise à jour le 11 septembre 2011 à 06h36