(version originale (1966); traduction (1998))
Un couple de vieux bourgeois américains, Agnès et Tobie, passent une soirée que l’on imagine routinière. Claire, l’alcoolique sœur d’Agnès qui habite également la maison, siffle avec eux cognac après cognac, entretenant les tensions familiales qui les fondent. Au cours de la soirée, Edna et Harry, leurs meilleurs amis, font irruption chez eux sans avoir été invités. Sous prétexte qu’ils sont terrifiés, ils décident d’occuper l’ancienne chambre de leur fille Julia. Comme de fait, la soirée suivante, Julia, venant de se séparer de son quatrième mari, revient habiter chez ses parents un moment. On lui explique qu’Edna et Harry sont enfermés dans sa chambre de jeune fille, et on lui propose un autre lit. Julia prend très mal les aises que prennent les deux invités et n’en revient pas que ses parents n’essaient même pas de savoir pourquoi ils sont là sous prétexte qu’ils se connaissent depuis 20 ans. Julia va jusqu’à menacer le couple d’amis avec un fusil pour qu’ils partent. Le lendemain matin, Harry annonce à Tobie qu’Edna et lui ont décidé de partir. Tobie, n’ayant jamais osé les mettre dehors, le supplie presque de rester par principe. Ils partent quand même.
De forts liens thématiques sont à faire avec Who’s Afraid of Virginia Woolf du même auteur, où il est également question d’un fils mort, d’un couple de vieux bourgeois américains, d’énormément d’alcool et de l’apparition soudaine d’un fusil.
Pourtant, je ne peux pas me résoudre à penser que cette pièce est complètement absurde : elle dépeint plutôt d’une manière réaliste l’absurdité des relations humaines. L’absurde semble davantage dans les thèmes que dans la forme.
Dans le dernier acte, Tobie tient des propos qui semblent être le cœur de la pièce. Il se tient face à ses contradictions, il pose un regard sur ses propres paroles. Tobie questionne la valeur de ses promesses lorsque la parole performative doit laisser la place aux actes concrets :
« TOBIE – (…) Enfin, Agnès, si… si Harry et Edna ne comptent pas davantage pour nous, et nous, alors? Quelle sera la valeur de nos paroles…? Elles n’auront plus aucun sens? Nos élans, nos promesses, ce que nous nous disons… ce que nous nous promettons entre nous… ce ne sera vrai… que sous certaines conditions! Rien n’aura plus… de sens. »