(1996 ; 2005 (traduction))
Après avoir percuté un vieil homme à une intersection, Ross Gardiner est accusé de conduite dangereuse et doit effectuer des travaux communautaires qui consistent à se rendre chez M. Green, la victime de l’accident, une fois par semaine pendant six mois et à l’aider à accomplir diverses tâches domestiques. Dès leurs premiers rendez-vous, Ross constate que le vieillard n’a pas un mode de vie très sain : il ne s’alimente pas suffisamment, se blesse quelque fois en perdant l’équilibre, semble perdre la mémoire et vit dans un fouillis total. Peu à peu, le jeune homme entreprend de lui apporter de remplir son réfrigérateur et de faire le ménage de son appartement, le débarrassant d’une foule d’objets inutiles accumulés depuis des années. Graduellement, une relation de confiance s’établit entre les protagonistes, si bien qu’ils partagent des conseils, des informations à propos de la religion juive, des portions de leur histoire personnelle et des confidences. Cependant, lorsque Ross avoue à M. Green qu’il est homosexuel, celui-ci a de la difficulté à l’admettre. Le vieil homme reproche même à son compagnon d’avoir déshonoré ses parents, se référant à l’amère déception qu’il a lui-même ressenti lorsque sa fille, Rachel, a choisi de marier un non-Juif. En apprenant l’existence de cette enfant reniée, Ross constate que, parmi les documents qui s’empilent dans la boîte aux lettres de M. Green depuis la mort de sa femme, se trouvent quelques lettres de Rachel. Il entreprend donc de convaincre le veuf d’ouvrir l’une de ces enveloppes. Après plusieurs hésitations, le vieillard s’active et, ce faisant, il se rend compte que Mme Green, depuis le départ forcé de leur fille, entretenait une correspondance secrète avec cette dernière. Outré que Rachel n’ait pas été mise au courant du décès de sa mère, Ross insiste pour que M. Green entre en contact avec elle et l’informe du triste événement. De ce fait, la pièce se termine tout juste avant les retrouvailles du père et de la fille, rendues possibles grâce au jeune ami de M. Green.
Au début de la pièce, Ross, dépeint comme un jeune insouciant qui vit à un rythme effréné, est plutôt antipathique au lecteur. À l’inverse, M. Green, à cause de l’accident dont il a été victime, de la mort récente de son épouse et de sa piètre qualité de vie suscite la pitié. Pourtant, plus l’action avance, plus les informations fournies par l’auteur dont en sorte que les rôles de Ross et de M. Green s’inversent. D’une part, le fait que l’homosexualité de Ross ne soit pas bien reçue par sa famille la place à son tour dans une position de victime. D’autre part, le traitement que M. Green a fait subir à sa fille révèle sa nature dogmatique et la cruauté qui y est associée. L’intransigeance du vieil homme à l’endroit de Rachel le rapproche des parents de Ross qui ne font pas davantage preuve d’ouverture envers leur enfant. À cet effet, un parallèle peut également être tracé entre le jeune homme et la fille de M. Green qui sont tous les deux reniés en raison d’un élément – l’identité sexuelle dans le premier cas et l’amour dans le deuxième – qu’ils ne peuvent pas contrôler.
Par ailleurs, il est intéressant de soulever que Michel Tremblay, le traducteur de l’œuvre, a lui-même écrit de nombreuses pièces dans lesquelles il est question d’un drame familial. Il n’est donc pas surprenant qu’il se soit intéressé au texte de Baron qui rejoint des thématiques qui lui sont chères.