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ROXANNE (R): Nous sommes une douzaine. Plusieurs rôles à jouer, plusieurs distributions possibles et quelques coups de cœurs pour certaines. Quelques étudiantes présentes à la session précédente ont forcément participé à cette réécriture contemporaine d’Hamlet tandis que d’autres se joignent à ce groupe de création déjà existant. Comment statuer alors sur la distribution? Doit-on favoriser celles qui prennent déjà part à l’expérience depuis l’automne? Par souci d’équité, devrait-on, au contraire, revenir à une case départ où aucune coureuse ne posséderait de longueur d’avance? Bref, quelle décision serait la plus efficace et la plus stimulante pour l’ensemble des interprètes?
STÉPHANE (Z): … euh …
R: Et si chaque comédienne jouait plusieurs rôles? Les souhaits et les envies d’une majorité seraient comblés. Certains défis demanderaient à être relevés et une dynamique performative s’en dégagerait surement. La logique éclectique inhérente à notre version d’Hamlet, découlant d’un métissage de différents types d’écriture, serait de plus favorisée, respectée et illustrée. Les différentes visions et propositions (ex :) véhiculées par les étudiantes seraient donc, selon ce choix, visuellement évoquées. L’écriture hybride de notre réappropriation d’Hamlet serait donc littéralement incarnée sous les yeux du spectateur.
Z: Quoique j’apprécie ton souhait ou ton essai d’approcher notre modus operandi d’une façon plus candide, dans les faits la question — « comment distribuer les rôles de façon équitable? » — ne s’est à peu près pas posée, puisqu’il s’agissait d’un projet élaboré sur toute une année scolaire et qui privilégiait donc d’office une certaine continuité. La question était plutôt « comment intégrer les nouvelles venues?» ou…
R: …« comment les nouvelles venues se sont-elles intégrées au projet déjà en marche? », ouioui d’accord. Mais tu joues l’avocat du diable. Car quoique tu en penses cette diversité d’interprétation, suggère différents points de vue et façons d’aborder un même personnage. Les différentes opinions ayant été soulevées et controversées au sujet de certains personnages depuis la création d’Hamlet peuvent être illustrées voire même juxtaposées. Notre vision contemporaine ne pourrait qu’en être enrichie. Il est également possible de penser que, selon cette optique, notre création pourrait idéalement proposer une sorte de pièce-archive illustrant quelques pensées et réflexions recensées depuis plus de 6 siècles.
Z: Oui mais tout ce questionnement devrait être plutôt au conditionnel passé. Car il « aurait pu être » sans jamais (à mon avis) avoir vraiment été…
R: Tu te trompes.
Z: … En fait, quoiqu’il y ait eu à prime abord fragmentation du texte, le travail — par la suite — fut surtout régi par un souhait (assez général) d’unification et d’assimilation.
R: Et le fragment 3!
Z: Outre le fragment 3 les voix les plus dissonantes furent assez rapidement repoussées. Et si celle du fragment 3 a été retenue, c’est uniquement parce qu’elle était (étrangement) tout à fait achevée. C’est donc dire combien le don de soi et la générosité manifeste des enseignantes et du groupe ne s’est pas nécessairement traduite en ouverture (à rebours, on a qu’à consulter les passages entre Premières et Secondes Réécritures pour le constater). En fait, je crois qu’à peu près toute la particularité de notre Hamlet est encore principalement due à celle du Premier Quarto. Et je ne sais pas encore si « vision contemporaine » il y a.
R: La question de l’être et du paraître qui semble tourmenter le personnage d’Hamlet (ex : la scène où il questionne les sentiments du comédien versus les siens) est ici constamment remise en relief. (à développer)
Z: Est-ce que « la question de l’être et du paraître » tourmente vraiment notre Hamlet?
R: En ce qui me concerne l’ échange de rôles, plonge définitivement le spectateur dans une certaine instabilité. Sur le qui-vive, en état d’alerte, celui-ci n’a d’autre choix que d’analyser les situations, les dialogues et les relations entretenues entre les personnages. Ces diverses interprétations risquent donc de semer un certain doute chez les spectateurs. Ce doute ne pourrait-il pas également refléter toute cette incertitude qui se vit à l’intérieur même du royaume du Danemark? (à développer)
Z: C’est ce qui fait que notre H@mlet est effectivement plutôt épique.
R: Mais si les étudiantes auront la possibilité de se mesurer à plusieurs rôles, le problème est d’établir un code clair et infaillible pour guider le spectateur au travers de cette polyphonie d’interprétations. Les interprètes doivent s’échanger les rôles par le biais d’une passation — qu’il s’agisse d’un don ou d’un vol. Les interprètes revêtissent donc littéralement une nouvelle peau lorsqu’elles endosseraient un nouveau rôle. Cela donne également un caractère performatif et sportif à l’ensemble de la représentation. L’équipe peut ainsi entrevoir la pièce comme un feu roulant: les actrices participent à un processus en lequel elles sont toujours totalement actives. Impliquées physiquement, les interprètes créent par leurs échanges un code transmettant la donnée selon laquelle les identités des personnages ne sont ni fixes ni intangibles. Les interprètes déclarent du coup que les protagonistes de notre Hamlet sont loin d’être permutables et s’assument, au contraire, dans toutes leurs fluctuations.
Z: Peut-être. Mais Je me demande si notre spectatrice n’aura «d’autre choix que d’analyser les situations … et les relations entretenues » non pas à cause d’épicité volontaire mais simplement parce qu’elle ne sera jamais tout à fait sûre de bien identifier et reconnaître les personnages d’une scène à l’autre. Ce qui ferait de notre Hamlet une espèce de « jeu de mémoire ». Peut-être que cela explique notre titre : HAMLET REVISTÉ?…
R:…ou comment [j’a]i oublie[r] Hamlet