Ce projet de réécriture(s) d’Hamlet s’inspire, en fait, d’un certain « esprit de collaboration » élisabéthain. À l’époque de Shakespeare, il n’était pas rare que des œuvres dramatiques soient collaboratives, le fruit du travail de plusieurs auteurs. Shakespeare lui-même aurait collaboré assez ouvertement avec Georges Peele sur Titus Andronicus, Thomas Middleton sur Timon of Athens et Macbeth, ainsi qu’avec son successeur John Fletcher sur Pericles, Henry VIII et The Two Noble Kinsmen. D’après les spécialistes, la première partie Henry VI ne compterait pas moins de quatre auteurs et The Booke of Sir Thomas More pas moins de six (dont Shakespeare et sa dite « Hand D »).
À l’approche d’un pareil projet collaboratif les auteurs élisabéthains auraient probablement procédé comme suit. S’il s’agissait d’adapter pour la scène certains épisodes d’une chronique (comme, pour Thomas More, celle d’Holinshed), ils durent tout d’abord s’entendre sur la distribution et le nombre de rôles, pour ensuite se diviser la tâche en découpant le livre choisi en autant de morceaux qu’il y avait d’auteurs.
C’est l’approche que nous avons choisie.
Les textes qui suivent furent “inspirés” d’une traduction automatique (par ordinateur) du Premier Quarto d’Hamlet (1603). Le Premier Quarto a ceci d’étrange qu’il ne résulte pas, semble-t-il, d’un quelconque brouillon de Shakespeare (comme le sera le Q2 de 1605) mais bien de la remémoration imparfaite d’acteurs ayant joué les rôles de Marcellus, Voltemand, et Lucianus. Il s’agit donc de la version (historique) du texte possédant le moins d’autorité (et ce peu d’autorité, notre propre traduction automatique la lui retira presque entièrement). Cette “traduction charabia” fut subdivisée en autant de fragments qu’il y eut de participantes au collectif.