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(1995)
Un homme est hanté par sa ressemblance à Abraham Lincoln. Il gagne sa vie en creusant des trous pour les morts, avec sa femme et son jeune fils. Mais un jour, il abandonne sa famille pour retourner au Grand Trou de l’Histoire, un parc d’attraction historique qui ne cesse de l’obséder depuis qu’il y a passé son voyage de noce. Maintenant au coeur de l’Histoire, il y joue sans cesse la mort d’Abraham Lincoln devant les gens qui viennent prendre la place de Booth pour lui tirer une balle dans la tête. À sa mort, sa femme et son fils viennent au Grand Trou afin de déterrer son corps pour le mettre dans un cercueil et l’enterrer proprement.
La pièce tourne autour de la figure d’Abraham Lincoln et interroge le rapport des États-Unis à la paternité et à l’histoire. Qui, au juste, est le père de l’Amérique ? Qui est père en Amérique ?
Les thèmes travaillés par Parks dans cette oeuvre s’abordent de manière intéressante si l’on se questionne sur le nom que se donne le personnage du père qui interprète/incarne Abraham Lincoln : THE FOUNDLING FATHER.
THE FOUNDLING FATHER, faisant référence, par jeu, aux FOUNDING FATHERS, les “pères fondateurs” des États-Unis, ceux qui ont mené la Guerre d’Indépendance, qui ont signé la Constitution des États-Unis d’Amérique et qui, ainsi, ont donné naissance au pays. Mais Lincoln arrive plus tard, c’est lui qui prévient la scission des états, mais il n’est pas de ces pères.
Foundling signifie orphelin, c’est un enfant trouvé, sans parents. Ce Lincoln orphelin, est-il né d’aucune patrie, d’aucune Amérique ? Il sera père, mais est-il cette figure mythique qui ne porte pas d’ancêtre sur son dos ? Ou bien est-il plutôt un père orphelin de ses enfants, un père orphelin de son statut de père ? Lincoln, père d’aucune partie. Un peu comme le personnage de la pièce qui abandonne sa famille, son fils, sa descendance.
L’image la plus juste serait le père trouvé. Celui que l’orphelin adopte. Lincoln, le père adoptif des États-Unis, celui qu’ils trouvent et choisissent. La figure que le personnage du père adopte presque comme sa personnalité propre. Ce père adoptif, pourtant, que les gens ne cessent d’abattre. Personne n’essaie de changer les choses (pas même le personnage du père), tous lui mettent une balle dans la tête. La scène est re-jouée à l’infini. Un père adopté, qu’on ne cesse de tuer, mais dont on cherche le corps pour enfin l’enterrer et le pleurer, afin (peut-être) de vivre avec son souvenir plutôt que son fantôme.
La pièce questionne ce rapport trouble au père et aux pères.