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(2004)
Courte pièce flirtant avec la fable contemporaine, « Icarus » met en scène un homme, Daedalus, un inventeur qui œuvre par le biais de la sculpture, ainsi que son fils, Icarus, son apprenti. Daedalus lui raconte des histoires métaphoriques et philosophiques à propos d’un serpent, de ses crocs acérés, en faisant un parallèle avec le métier d’inventeur. Cela fait également partie du processus d’apprentissage auquel il soumet son fils, lui répétant sans cesse qu’il ne peut pas tout de suite se lancer dans un projet d’invention par lui-même. Mais Icarus ne peut réfréner son envie de créer et son imagination, et fait part de ses idées à son père, qui accepte de lui concevoir des ailes de cire. Si le mythe est clairement réécrit et revisité jusqu’ici, il reprend sa forme «originale » ici puisque nous assistons ensuite, via une scène muette gorgée d’émotions, à la chute d’Icarus, qui tombe dans la mer – cela constitue un pivot pour l’histoire, qui bascule à ce moment.
En effet, Icarus est sous l’eau, on imagine qu’il est mort, mais il rencontre un poisson, Matteo, qui deviendra son ami, un ami « normal » avec qui il peut jouer et mener une vie tranquille de petit garçon, et non pas une vie rythmée et déterminée par les inventions de son père. De son côté, accablé par le chagrin, Deadalus décide de transformer le labyrinthe qu’il était en train de construire en son propre mausolée.
N.B : j’ai inscrit dans les rôles « 3 rôles masculins » mais nous aurions dû y lire « 3 marionnettes dont un homme adulte, un enfant et un poisson »
« Icarus » est une pièce relativement mystérieuse, de par son contenu mais également sa forme : elle est disponible uniquement par livre électronique, et elle ne semble pas avoir été jouée ou montée de façon officielle à ce jour. Peut-être s’insère-t-elle dans un processus personnel à l’auteure – de par sa longueur qui suggère qu’elle sera une partie d’un ensemble, ou qu’elle est encore un work in progress. « Icarus » est une pièce sombre, qui, malgré ses airs enfantins, repousse la convention généralement admise que les marionnettes sont destinées à un jeune public. Les dialogues semblent relativement complexes et philosophiques, et peu adaptés à la compréhension des enfants – or, c’est justement le beau défi que propose « Icarus » pour les interprètes. En effet, si l’équipe de conception prend pour pari de présenter cela à un jeune public, il faudra travailler particulièrement sur la manière d’incarner scéniquement les mots, le vocabulaire riche que Quiara Alegría Hudes utilise.
Les didascalies sont très inspirantes, et la manière dont la pièce est construire laisse une grande marge de manœuvre pour y accoler une conception éclatée, et repousser ainsi également les limites du théâtre d’ombre. Il serait également possible d’envisager le spectacle sur deux niveaux : visuellement captivant et stimulant intellectuellement pour les enfants, et incitant à une réflexion plus poussée pour un public plus âgé.
Dans tous les cas, l’écriture est inhabituelle au sein de la dramaturgie américaine et relève sans doute d’une recherche très intéressante. Hudes aura remporté le Pulitzer en 2012 pour sa piéce Water by the Spoonful.